Soutenance de thèse de Pius Otto

04 décembre 2025

Agro Campus Palaiseau, salle C2.0.37 et en visioconférence

le 4 décembre 2025 à 10h00, Piuss Otto soutiendra sa thèse sur la Communication plante-plante dans le contexte du biocontrôle et des relations de fonctionnement des agroécosystèmes, travail conduit sous la direction de Muriel Valantin-Morison et sous la supervision de Foteini Pashalidou.

Lien pour assister à la soutenance en visioconférence: https://inrae-fr.zoom.us/j/9346130239 

Résumé de la thèse:

Les plantes vivent dans des environnements dynamiques où elles doivent équilibrer l’allocation de leurs ressources métaboliques entre la défense contre les herbivores et la nécessité de croître et de se reproduire. Elles parviennent à survivre dans de tels environnements en percevant et en répondant à des signaux chimiques, y compris ceux émis par des plantes voisines. Parmi ces signaux, les composés volatils induits par la ponte (OIPVs, oviposition-induced plant volatiles) sont libérés en réponse à la dépose d’œufs d’insectes et constituent pour la plante un signal précoce d’avertissement de l’herbivorie imminente.

Les plantes réagissent à ces signaux en ajustant leurs processus physiologiques afin de protéger leur aptitude (fitness). Si les OIPVs sont bien connus pour leur rôle dans l’attraction des ennemis naturels des herbivores, leurs rôles écologiques plus larges — dans la médiation des interactions entre plantes, l’influence sur la défense, la croissance et la reproduction des plantes, ainsi que leurs effets sur les arthropodes bénéfiques non ciblés, y compris les pollinisateurs, restent encore peu compris.

Cette thèse explore l’importance écologique des OIPVs chez le colza (Brassica napus), en utilisant des variétés d’hiver et de printemps et en considérant l’interaction avec l’herbivore spécialiste des Brassicacées, Pieris brassicae. J’ai abordé trois questions principales : (I) Les plants de colza portant des œufs émettent-ils des OIPVs capables de renforcer les réponses défensives des plantes voisines non endommagées ? (II) Ces réponses entraînent-elles des coûts mesurables pour la croissance ou la reproduction des plantes ? (III) Les réponses médiées par les OIPVs modifient-elles la dynamique des communautés d’arthropodes d’une manière susceptible d’améliorer l’aptitude des plantes ?

Pour répondre à ces questions, j’ai mené des expériences contrôlées en laboratoire et en plein champ visant à (I) identifier les principaux OIPVs émis par le colza porteur d’œufs et tester s’ils renforcent les défenses des plantes voisines, (II) évaluer les coûts en termes d’aptitude associés à la perception de ces signaux, et (III) examiner comment cette perception par des plantes de colza cultivées au champ influence plusieurs groupes d’herbivores, d’ennemis naturels et de pollinisateurs.
J’ai ensuite formulé un mélange synthétique de ces composés (α-pinène, limonène et trisulfure de diméthyle) et testé ses effets en conditions contrôlées et en plein champ. Dans les deux contextes, les plantes réceptrices ont montré une résistance accrue, les chenilles se nourrissant d’elles causant moins de dommages tissulaires et croissant plus lentement que sur les plantes témoins non exposées à ce mélange d’OIPVs.

De plus, les zones contenant des plantes réceptrices d’OIPVs n’ont pas restructuré l’ensemble de la communauté d’arthropodes présente au champ. Cependant, elles ont modifié l’équilibre fonctionnel en augmentant l’abondance relative des ennemis naturels et des pollinisateurs tout en réduisant celle des pucerons. Ces résultats suggèrent un renforcement possible du contrôle à action descendante (top-down) des herbivores et un soutien accru des services de reproduction des plantes sans déstabiliser la communauté arthropode dans son ensemble. En outre, je n’ai pas observé de réductions mesurables de la croissance ou de la production de graines des plantes dans les conditions testées, ce qui indique l’absence de coûts détectables en termes d’aptitude liés à la perception des OIPVs.

Dans l’ensemble, ce travail montre que les OIPVs sont des signaux d’avertissement précoces d’herbivorie, permettant au colza d’anticiper l’attaque des herbivores, de limiter les dommages avant qu’ils ne s’aggravent et de favoriser simultanément les interactions mutualistes avec les pollinisateurs et les ennemis naturels. Par conséquent, cette thèse met en évidence le potentiel des OIPVs comme composantes écologiques de la protection des cultures dans des stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs. La nature particulière des OIPVs, en tant que signaux végétaux précoces qui ne tuent pas directement les herbivores mais renforcent les défenses de la plante et influencent la communauté d’alliés et d’antagonistes qui lui est associée, rend ces composés particulièrement adaptés aux approches de lutte intégrée