Systèmes de culture sans pesticide : performances, apprentissages et obstacles techniques identifiés à partir d'un essai de long terme

Pour garantir des rendements réguliers et élevés, l’agriculture actuelle repose sur une utilisation intensive de pesticides et d’engrais, préjudiciables à l’environnement et à la santé humaine. De plus, à mesure que la résistance des ravageurs aux pesticides augmente, de plus en plus de pesticides sont retirés du marché, les politiques nationales et européennes deviennent ainsi de puissants moteurs pour mettre en place des systèmes agricoles sans pesticide. Alors que de nombreux travaux ont comparé les systèmes biologiques aux systèmes conventionnels, il n’existe pas d’étude de moyen terme isolant dans un système expérimental le caractère « sans pesticide ».

L’étude a porté sur la comparaison d’un système de grande culture conduit sans pesticide (No-Pest), utilisant des engrais de synthèse, et conçu pour produire des rendements suffisamment élevés et répondre à une multiplicité d’objectifs environnementaux. Ce système a été comparé à un système de culture à bas niveau d'intrants conçu avec les mêmes objectifs environnementaux (PHEP : Productif à Hautes Performances Environnementales). Cette évaluation a été conduite dans la ferme d’AgroParisTech, en région parisienne (France), au cours de onze années (2009-2019). L'interdiction de l’utilisation des pesticides n'a pas entraîné d'écart de rendement moyen significatif à l’échelle de la rotation (exprimés en GJ.ha-1.an-1, ou en kg N.ha-1.an1). Cependant, le rendement de certaines cultures a ponctuellement fortement diminué, soit à cause des dégâts causés par les ravageurs (cas des féveroles), soit à cause d’une nutrition limitée en azote (cas du blé tendre). Dans le système No-Pest, la teneur en mycotoxines des céréales était inférieure au seuil réglementaire, et la teneur moyenne en protéines du blé était supérieure à la norme requise pour la boulangerie. La consommation d'énergie indirecte, les émissions totales de gaz à effet de serre, le nombre d'opérations techniques, les quantités d'engrais azotés et les indices de fréquence de traitement sont significativement inférieurs à ceux du système PHEP. Toutefois, la consommation directe d’énergie, les émissions directes de gaz à effet de serre et le temps de travail pour le contrôle des mauvaises herbes sont significativement plus élevés. Lors de cette expérimentation, nous avons éprouvé des stratégies agricoles très efficaces pour éviter l'utilisation de pesticides (une séquence de cultures très diversifiée et longue avec des espèces mineures) et plusieurs verrous techniques limitant une production régulière dans des systèmes sans pesticides.

Davantage de travaux devraient être entrepris pour fournir des connaissances techniques sur la gestion des espèces majeures ou orphelines dans des systèmes sans pesticide, et pour fournir des résultats supplémentaires notamment relatifs aux performances économiques et sociales de ces systèmes.

Références:

Colnenne-David C., Jeuffroy M.H., Grandeau G., Doré T., 2022. Pesticide-free cropping system: performances, learnings and technical locks from a field trial. Congress “What research to meet the pesticides reduction objectives embedded in the European Green Deal?”, Dijon. (oral)

Colnenne-David C., Jeuffroy M.H., Grandeau G., Doré T., 2023. Pesticide-free arable cropping systems: performances, learnings and technical lock-ins from a French long-term field trial. Agronomy for Sustainable Development, https://doi.org/10.1007/s.13597-023-00931-7