Distribution spatiale des parcelles suivies (blé d'hiver, orge d'hiver, maïs, colza, betterave à sucre et pomme de terre)
Effets paysage sur bioagresseurs

Quels effets ont les caractéristiques du paysage sur les bioagresseurs des grandes cultures ?

La gestion des paysages est souvent vue comme l’un des leviers à mobiliser pour améliorer la gestion des bioagresseurs. Cependant, la complexité des interactions rend difficile l'établissement de règles générales, et, selon les bioagresseurs étudiés, des éléments paysagers peuvent avoir des effets opposés, ce qui a été rapporté dans de nombreuses publications scientifiques. Dans cette étude nous mettons en relation les données d’épidémiosurveillance françaises pour 30 des principaux bioagresseurs des grandes cultures française et les cartographies nationales des espaces arborés et grandes cultures.

Il y a beaucoup d’attentes de la société sur la réduction de l’utilisation des pesticides par les agriculteurs. Plus de la moitié des volumes de pesticides est utilisée sur des grandes cultures (blé, maïs, colza,…). La conception de paysages limitant les abondances de bioagresseurs est ainsi envisagée par les scientifiques comme par les concepteurs de politiques publiques. Cependant, les éléments paysagers peuvent avoir des effets opposés sur les différents bioagresseurs des grandes cultures. Nous proposons un bilan sur les 30 bioagresseurs les plus importants sur  6 des principales cultures de plein champ en France (Blé, Colza, Maïs, Orge, Betterave, Pomme de terre). Pour cela nous mettons en regard les observations du réseau d’épidémiosurveillance végétale de 2009 à 2017 et les cartes nationales de forêts, haies et surfaces agricoles.

Nous observons une tendance très nette à l’augmentation de la présence des bioagresseurs une année donnée et dans un territoire donné en fonction de l’importance des surfaces de culture susceptibles d’avoir hébergé ces bioagresseurs l’année précédente (dites « cultures hôtes »). Les surfaces de la culture hôte de l’année même ont un effet plus complexe : dans le cas des maladies fongiques, le risque a tendance à augmenter avec l’abondance des cultures hôtes ; à l’inverse, pour les ravageurs au cycle annuel, le risque diminue avec l’augmentation des cultures dans le paysage.  Nous avons également constaté que les zones boisées, les haies et les prairies avaient des effets opposés suivant les ravageurs et agents pathogènes étudiés. Les paysages ont néanmoins dans l’ensemble un effet plus important que les rotations intra-parcellaires sur les bioagresseurs étudiés, en l’état actuel des rotations en France. Mais l’impact des paysages sur les présences de bioagresseurs reste finalement assez faible par rapport aux effets du climats, qui restent prédominants.

Les tendances que nous avons identifiées pourraient-elles être utilisées pour raisonner la protection des grandes cultures à l'échelle du paysage ? La constitution de paysages agricoles visant à contrarier le développement de populations de ravageurs ou pathogènes en favorisant des espaces semi-naturels ne semble pas possible si l’on veut répondre à l’ensemble des bioagresseurs présents en grandes cultures en France. Par contre, une diversification des paysages culturaux (espèces et type de protection) et une gestion dynamique des cultures dans le paysage suivant les évolutions pluri-annuels des bioagresseurs pourraient être envisagées, mais seraient alors conditionné à un travail de concertation territoriale entre les différents acteurs, notamment les agriculteurs. Ces travaux se poursuivent dans le cadre du projet MoCoRiBA, financé par le plan Ecophyto (ANR-001368-P00004321), qui vise à fournir aux agriculteurs une perception locale et personnalisée du risque lié aux bioagresseurs en fonction de leurs pratiques et de leur situation géographique, limitant ainsi le recours aux produits phyto-sanitaires lorsqu’ils ne sont pas nécessaires.

 

Valorisation : Référénce : Delaune, T., Ouattara M.S. , Ballot R., Sausse C., Felix I., Maupas F., Chen M., Morison M., Makowski D., Barbu C.M. (2021). Landscape drivers of pests and pathogens abundance in arable crops. Ecography vol. 44 (10) 1429-1442 https://doi.org/10.1111/ecog.05433.

Cet article a été mis à la Une (« Editor’s choice ») du journal Ecography lors de sa parution en octobre 2021 :